Le port du masque n’est pas obligatoire, les mesures ministérielles et les arrêtés régionaux et communaux n’étant pas constitutionnels.

 

Bien que le masque tombe sur l’interdiction de se cacher une partie du visage dans les lieux accessibles au public (article 563bis du Code pénal), nous invitons chacun à respecter le choix de ceux qui veulent le porter.

 

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Voici les conseils d’un policier fidèle à l’état de droit et à la constitution

« Je jure fidélité au Roi, obéissance à la Constitution et aux lois du Peuple belge »
Serment du Policier

 

« La procédure concernant l’amende pour le non port du masque, je connais cette procédure car je suis moi-même policier.

En cas d’infraction vous avez le droit de refuser la perception immédiate de 250€. Vous pouvez alors demander la rédaction d’un procès-verbal judiciaire à la place pour être auditionné en catégorie "Salduz 3".

À ce moment vous serez convoqués et pourrez faire votre déclaration. Vous mentionnerez ce qui suit et à 99% il n’y aura pas de suite car le magistrat sera dans un cas de vice de procédure (les directives ministérielles étant illégales par rapport aux lois en vigueur)
Vous devez déclarer ce qui suit:
la hiérarchie des normes
1/La Constitution
2/La Loi
3/L'arrêté royal
4/L'arrêté ministériel
Une règle de droit qui est en dessous d'une autre doit respecter la règle au-dessus.
Une règle inférieure ne peut donc violer la règle supérieure.
Un arrêté peut abroger un arrêté mais PAS une Loi supérieure.
Par contre, une loi peut abroger, modifier, ou déroger à une autre mais pas une règle inférieure comme l'arrêté. »

 

Quoiqu’il en soit, restez calme, respectueux et courtois. Il faut éviter que le policier vous verbalise pour trouble à l’ordre publique.

 

 

Note ci-dessous réalisée par un avocat

 

CONCRÈTEMENT : si un policier veut vous infliger une amende, lorsque vous recevez le pv, contestez et renvoyez le pv avec le texte suivant :

"Je rappelle le principe « pas de peine sans loi », qui découle des articles 12 et 14 de la Constitution. Ce principe implique que seules les assemblées parlementaires, composées de représentants élus, peuvent ériger des comportements en infractions pénales et prévoir des peines pénales. Or, aucun texte de loi, ni au moment des faits, ni à ce jour, n’impose le port du masque sous peine de sanction pénale.

En effet, les diverses règles relatives au port du masque découlent uniquement d’arrêtés ministériels adoptés par le Ministre de l’Intérieur ou par le Ministre Président de la Région de Bruxelles-Capitale. Toutefois, ces arrêtés ne se fondent pas sur des dispositions légales prévoyant des sanctions pénales en cas de non-port du masque.

Ceci a été confirmé par un jugement du 12 janvier 2021 de la 36ième chambre du tribunal de police de Bruxelles, dans lequel il a été jugé que « si le port du masque demeure un devoir moral, et peut être imposé dans certains cas, par exemple en vertu du pouvoir de police de l'audience appartenant au Juge, une telle disposition ne pouvait pas être prise par le Ministre dans le cadre de l'exécution de la loi du 15 mai 2007. Par conséquent, l'application de l'arrêté ministériel du 30 juin 2020 doit être écartée par le Tribunal en vertu de l'article 159 de la Constitution ».

Par conséquent, les poursuites sont viciées au regard des articles 12, 14 et 159 de la Constitution et de l'article 563bis du Code Pénal.

Pour tous les motifs qui précèdent, je conteste les poursuites dont je fais l’objet et demande que celles-ci soient classées sans suite."

 

Sur la base de cette contestation, le parquet peut soit décider d’abandonner les poursuites, soit vous citer devant le tribunal de police. Devant le tribunal, vous pouvez comparaître seul ou avec un avocat. Si vous vous défendez seul, déposez un document écrit et signé par vous, intitulé « conclusions », mentionnant votre nom et vos coordonnées. De cette façon le juge sera obligé d’y répondre. Dans vos conclusions, vous devez reprendre le texte de la contestation en italique ci-dessus.

 

Si le jugement du tribunal de police est défavorable, il est possible de faire appel devant le tribunal correctionnel. Et si le jugement du tribunal correctionnel est défavorable, il est possible d’introduire un recours en cassation devant la cour de cassation. Le recours en cassation n’est toutefois pas suspensif de l’application de la peine, à l’inverse de l’appel devant le tribunal correctionnel.

Jugement du 12 janvier 2021 de la 36ième chambre du tribunal de police de Bruxelles

 

Sur la constitutionnalité de l’obligation du port du masque dans le cadre de la lutte contre la propagation du Coronavirus

 

 

La présente analyse est strictement juridique et n’a pas pour but ou pour objet d’encourager qui que ce soit à ne pas porter le masque, dont la question de l’utilité sur le plan scientifique échappe à ma compétence.

 

I.    L’Etat de droit et la séparation des pouvoirs

 

1.   L’article 33 de la Constitution prévoit que « Tous les pouvoirs émanent de la Nation. Ils sont exercés de la manière établie par la Constitution ». L’article 105 de la Constitution précise que « Le Roi n'a d'autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la Constitution et les lois particulières portées en vertu de la Constitution même », et l’article 108 de la Constitution dispose que « Le Roi fait les règlements et arrêtés nécessaires pour l’exécution des lois, sans pouvoir jamais ni suspendre les lois elles-mêmes, ni dispenser de leur exécution ».

 

Par ailleurs, les articles 12, 22 et 26 de la Constitution garantissent le droit à la liberté individuelle, le droit à la vie privée et familiale, ainsi que le droit d’association, en précisant que les modalités d’exercice de ces droits et les éventuelles limitations à ceux-ci doivent être fixées par la loi. L’article 14 de la Constitution dispose, en outre, que « Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu’en vertu de la loi ».

 

Lues de façon combinée, ces dispositions traduisent le principe général de la séparation des pouvoirs entre le Parlement chargé d’élaborer les lois, et le Gouvernement, chargé de leur exécution. Toute action ou décision du Gouvernement doit avoir un fondement légal, et donc reposer sur un texte législatif voté par une assemblée parlementaire composée de représentants élus. Il peut s’agit d’une loi votée par le Parlement fédéral, ou d’un décret ou d’une ordonnance d’un Parlement d’une Région ou d’une Communauté[1].

 

Cette exigence constitutionnelle de légalité est d’autant plus essentielle lorsqu’il est porté atteinte à des libertés fondamentales.

 

 

II.   L’Etat de droit face à des situations de crise

 

2.   En raison de circonstances particulières ou exceptionnelles, le Parlement peut décider d’adopter des lois dites « de pouvoirs spéciaux ». Les lois (ou décrets et ordonnances) de pouvoirs spéciaux habilitent l’Exécutif à abroger, compléter, modifier ou remplacer sur certains points la permettre aux autorités publiques d’agir avec plus de rapidité et d’efficacité que ne le permet le fonctionnement normal de l’assemblée législative.

 

Dans un arrêt Le Compte du 3 mai 1974[2], la Cour de cassation considère qu’en vertu de l’article 105 de la Constitution, une loi particulière peut étendre le pouvoir réglementaire du Roi au-delà des limites fixées par l’article 108, pour autant que pareille habilitation soit limitée dans le temps et ne porte pas sur des pouvoirs que la Constitution n’a pas formellement réservés au législateur.

 

Les arrêtés de pouvoirs spéciaux doivent être délibérés en conseil des ministres et soumis à l’avis préalable de la section de législation du Conseil d’Etat. Ils sont numérotés de façon à les distinguer des arrêtés d’exécution ordinaires. Leur effet est limité dans le temps[3].

 

La loi du 27 mars 2020 habilitant le Roi à prendre des mesures de lutte contre la propagation du COVID-19 a ainsi octroyé des pouvoirs spéciaux au Roi pour une durée de trois mois, soit jusqu’au 27 juin 2020. Des décrets et ordonnances de pouvoirs spéciaux ont également été adoptés par les assemblées régionales et communautaires en faveur de leurs gouvernements respectifs.

 

 

III.  Quant à la légalité de l’arrêté fédéral COVID

 

3.   Un arrêté ministériel portant des mesures d’urgence pour limiter la propagation du coronavirus COVID-19, a été adopté par le Ministre de l’Intérieur le 30 juin 2020.

 

Il a été modifié à trois reprises par des arrêtés ministériels du 10 juillet 2020, du 24 juillet 2020 et du 28 juillet 2020.

 

Cet arrêté n’est pas un arrêté de pouvoirs spéciaux dès lors qu’il a été adopté postérieurement au terme de la période de pouvoirs spéciaux, non renouvelée par le Parlement fédéral.

 

Dans sa version actuelle, cet arrêté dispose en son article 16 que « Toute personne à partir de l'âge de 12 ans est obligée de se couvrir la bouche et le nez avec un masque ou toute autre alternative en tissu dès l'entrée dans l'aéroport, la gare, sur le quai ou un point d'arrêt, dans le bus, le (pré)métro, le tram, le train ou tout autre moyen de transport organisé par une autorité publique. Lorsque le port d'un masque ou d'une alternative en tissu n'est pas possible pour des raisons médicales, un écran facial peut être utilisé ».

 

Son article 21bis prévoit que :

 

« Toute personne à partir de l'âge de 12 ans est obligée de se couvrir la bouche et le nez avec un masque ou toute autre alternative en tissu dans les lieux suivants :

   1° les magasins et les centres commerciaux;

   2° les cinémas;

   3° les salles de spectacle, de concert ou de conférence;

   4° les auditoires;

   5° les lieux de culte;

   6° les musées;

   7° les bibliothèques;

   8° les casinos et les salles de jeux automatiques;

   9° les rues commerçantes, et tout lieu privé ou public à forte fréquentation, déterminés par les autorités communales compétentes et délimités par un affichage précisant les horaires auxquels l'obligation s'applique;

   10° les bâtiments publics (pour les parties accessibles au public);

   11° les marchés, en ce compris les brocantes et les marchés aux puces, les fêtes foraines, et les foires commerciales, en ce compris les salons;

   12° les établissements horeca, sauf lorsque les clients sont assis à leur propre table;

   13° les activités visées à l'article 11, § 3;

   14° les événements visés à l'article 11, § 4;

   15° les manifestations visées à l'article 11, § 5.

   Lorsque le port d'un masque ou de toute autre alternative en tissu n'est pas possible pour des raisons médicales, un écran facial peut être utilisé ».

 

Son article 5, 10°, prévoit en outre que dans les établissements relevant du secteur horeca, les coordonnées, qui peuvent se limiter à un numéro de téléphone ou une adresse e-mail, d’un client par table, doivent être enregistrées.

 

Ces dispositions sont applicables sur tout le territoire de la Belgique.

 

 

4.   Ces dispositions, tant en ce qui concerne le port du masque, qu’en ce qui concerne l’enregistrement des coordonnées des clients dans l’horeca, paraissent manifestement attentatoires aux libertés fondamentales garanties par la Constitution.

 

Celles-ci doivent donc nécessairement avoir un fondement légal, ce qui ne semble pourtant pas le cas.

 

Le préambule de l’arrêté ministériel du 30 juin 2020 vise, cependant, entre autres, l’article 11 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police. Cette disposition prévoit que « Sans préjudice des compétences qui leur sont attribuées par ou en vertu de la loi, le ministre de l'Intérieur et le gouverneur exercent à titre subsidiaire les attributions du bourgmestre ou des institutions communales lorsqu'ils manquent, volontairement ou non, à leurs responsabilités, lorsque les troubles à l'ordre public s'étendent au territoire de plusieurs communes, ou lorsque, bien que l'événement ou la situation soit localisée dans une seule commune, l'intérêt général exige leur intervention ».

 

Les communes sont compétentes, en vertu de l’article 135, § 2, de la Nouvelle loi communale, pour adopter des règlements de police administrative visant à garantir l’ordre public, c’est-à-dire le maintien de la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité dans les lieux publics. Une commune pourrait donc, potentiellement, se fonder sur cette disposition pour imposer le port du masque sur son territoire, en considérant, à tort ou à raison (à tort selon moi), qu’une telle obligation constitue une mesure de police nécessaire en vue de préserver l’ordre public.

 

L’article 11 de la loi du 5 août 1992 précitée permet au ministre de l’intérieur de se substituer aux communes afin d’adopter des mesures de police destinées à garantir la sécurité publique sur l’ensemble du territoire belge. L’arrêté ministériel du 30 juin 2020 aurait donc été adopté en exécution des compétences du ministre de l’intérieur pour se substituer aux communes dans le cadre de la préservation de l’ordre public.

 

Dans le cadre d’un recours éventuel, le débat porterait donc sur la question de savoir si cet article 11 constitue, ou non, une base légale suffisante pour les mesures telles que l’obligation du port du masque ou l’obligation d’enregistrer les coordonnées des clients dans l’horeca.

 

A mon estime, la réponse à cette question est négative. Les restrictions aux libertés fondamentales dont il est question ici sont trop importantes pour considérer qu’elles pourraient être imposées sans intervention du législateur par un seul ministre, au motif qu’il s’agirait de préserver l’ordre public. Tant le texte que l’esprit des dispositions constitutionnelles évoquées plus haut me paraissent clairs à cet égard. Par ailleurs, c’est au ministre qu’il revient de démontrer en quoi les mesures qu’il a arrêtées sont nécessaires en vue de préserver l’ordre public et en quoi il était inconcevable d’attendre l’intervention du législateur.

 

Par ailleurs, cet arrêté me paraît d’autant plus illégal que l’article 563bis du Code pénal prévoit que « Seront punis d'une amende de quinze euros à vingt-cinq euros et d'un emprisonnement d'un jour à sept jours ou d'une de ces peines seulement, ceux qui, sauf dispositions légales contraires, se présentent dans les lieux accessibles au public le visage masqué ou dissimulé en tout ou en partie, de manière telle qu'ils ne soient pas identifiables ».

 

Ceci confirme donc la thèse selon laquelle l’intervention du législateur était requise en l’espèce, et l’article 11 de la loi du 5 août 1992 ne constitue pas un fondement légal suffisant à l’arrêté ministériel du 30 juin 2020.

 

 

5.   De façon tout aussi problématique, les dispositions précitées de l’arrêté ministériel du 30 juin 2020 n’ont pas été soumises à l’avis préalable de la section de législation du Conseil d’Etat, comme l’impose l’article 3 des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat du 12 janvier 1973.

 

Dans son préambule, l’arrêté ministériel du 30 juin 2020 indique ceci : « Vu l'urgence, qui ne permet pas d'attendre l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat dans un délai ramené à cinq jours, en raison notamment de la nécessité d'envisager des mesures fondées sur les résultats épidémiologiques qui évoluent de jour en jour, les derniers ayant justifié les mesures décidées lors du Conseil National de Sécurité qui s'est tenu le 24 juin 2020 ; qu'il est dès lors urgent de renouveler certaines mesures et d'en adapter d'autres ».

 

Il est vrai que l’avis préalable de la section de législation n’est pas obligatoire en cas d’urgence, mais il revient alors à l’autorité de démontrer la réalité de celle-ci. Selon la section du contentieux administratif du Conseil d’Etat, l'urgence « doit ressortir de la lecture du préambule de cet arrêté et être corroborée par les pièces du dossier administratif. Lesdits motifs doivent consister en l'indication des circonstances précises et pertinentes démontrant que l'adoption de l'arrêté réglementaire ne pouvait souffrir le moindre délai »[4]. Il a également été jugé que « la motivation de l'urgence contenue dans un arrêté réglementaire pour justifier qu'il n'a pas été soumis à l'avis de la section législation du Conseil d'État, qui s'apparente à une formule de style, ne répond pas à l'exigence de motivation spéciale prescrite par l'article 3 des lois sur le Conseil d'État ». Or tel est le cas lorsque l’urgence est ainsi motivée : « un fonctionnement efficace de l’Administration de l’Etat nécessite que les dispositions du présent arrêté soient publiées au plus tôt »[5].

 

Au regard de ces enseignements, c’est au ministre qu’il revient d’exposer en quoi l’adoption des mesures qu’il a adoptées ne pouvait pas même attendre cinq jours de plus. En l’absence d’une telle démonstration, l’arrêté du 30 juin 2020 ainsi que tous ses arrêtés modificatifs, également adoptés sans consultation préalable de la section de législation du Conseil d’Etat, sont illégaux.

 

 

6.   L’arrêté ministériel du 30 juin 2020 et ses arrêtés modificatifs peuvent faire l’objet d’un recours en annulation et/ou en suspension devant le Conseil d’Etat dans un délai de soixante jours.

 

Ils peuvent également faire l’objet d’un recours en extrême urgence devant le Conseil d’Etat, qui doit dans ce cas être saisi le plus rapidement possible, et idéalement dans les dix jours suivant la publication de l’arrêté.

 

Par un arrêt n° 248.124 du 5 août 2020, le Conseil d’Etat a rejeté le recours en extrême urgence introduit contre l’arrêté ministériel du 28 juillet 2020 modifiant l’arrêté ministériel du 30 juin 2020. Il a considéré que l’urgence dont se prévalaient les requérants n’était pas établie dès lors que :

 

« Les parties requérantes mettent en doute l’intérêt sanitaire du port du masque généralisé et avancent, dans leur requête, le fait que «les chiffres sont bas» et qu’un déconfinement est « largement opéré depuis plusieurs mois, de sorte que l’on perd toute visibilité et cohérence dans le choix des mesures adoptées ».

 

Il n’appartient pas au Conseil d’État de trancher une éventuelle controverse scientifique quant à l’efficacité prouvée ou non des effets du port obligatoire du masque sur la propagation du coronavirus COVID-19.

 

Il suffit de constater que l’arrêté attaqué se fonde sur différentes expertises scientifiques démontrant l’augmentation radicale de cas de contamination confirmés, et préconisant, par conséquent, de nouvelles mesures pour limiter celle-ci parmi lesquelles le port obligatoire du masque dans une série de lieux et circonstances. Son auteur s’appuie ainsi sur les recommandations du Groupe d’experts en charge de l’Exit Strategy (GEES), du Conseil supérieur de la Santé et de la Cellule Evaluation (CELEVAL). Les parties requérantes restent en défaut de démontrer que ces expertises et mesures sont erronées. Elles perdent également de vue que si le port du masque par la généralité de la population n’a pas été imposé « au plus fort de la crise », c’est précisément parce que celle-ci était confinée. Les mesures prises par l’arrêté attaqué sont justifiées ainsi par le souci d’éviter une situation de re-confinement national, tout en limitant la propagation du virus.

 

Enfin, la gravité de l’atteinte ainsi portée « au droit de vivre ensemble », dénoncée par les parties requérantes, n’est pas démontrée dès lors que, contrairement à ce qu’elles soutiennent, elles ne se retrouvent pas « totalement prisonnières chez elles », des alternatives et des solutions existant pour chacune d’elles comme il a été examiné ci-avant.

 

Par ailleurs, les parties requérantes affirment mais n’étayent pas non plus leur thèse que l’imposition du masque constitue un danger important pour la sécurité publique et « (dé)multiplie le risque d’attentat terroriste ».

 

Quant à l’atteinte alléguée aux droits fondamentaux, il y a lieu de rappeler que la condition de l'urgence est indépendante de l'examen des moyens et requiert la démonstration que leurs conséquences dommageables doivent être suspendues. Il en résulte qu’en l'absence d'éléments factuels concrets, la seule atteinte à une liberté fondamentale ne constitue pas un inconvénient d'une gravité suffisante pour qu'on ne puisse le laisser se produire en attendant l'issue de la procédure en annulation. Il résulte de l’examen des dommages spécifiques à chacune des parties requérantes que cette démonstration n’est pas faite en l’espèce.

 

Enfin, l’obligation, pour les clients d’une même table d’un établissement horeca, de laisser un élément permettant d’identifier l’un d’entre eux n’atteint pas, pour les parties requérantes, le seuil de gravité exigé. Sans se prononcer sur la légalité du système mis en place, il y a lieu de relever en effet que les coordonnées fournies peuvent se limiter à un numéro de téléphone ou à une adresse e-mail – au demeurant non contrôlé – par table, et que l’acte attaqué prévoit explicitement que ces coordonnées ne peuvent être utilisées à d’autres fins que la lutte contre la COVID-19, qu’elles sont détruites après 14 jours et que les clients doivent expressément donner leur accord à cette communication. Si le système de collecte de données à caractère personnel mis en place emporte une certaine atteinte à la vie privée, les garanties inscrites dans l’acte attaqué, les alternatives existantes aux repas à consommer sur place et l’importance de développer un système de tracing efficace en vue de combattre le plus rapidement possible l’épidémie en cours (permettant parlà de mettre fin au plus tôt aux restrictions des libertés de chacun) dénient la gravité des inconvénients tels qu’ils sont exposés par les parties requérantes.

 

En conclusion, l’existence de la condition de l’urgence n’est pas établie ».

 

Autrement dit, le Conseil d’Etat estime que le préjudice résultant du fait de devoir porter un masque n’est pas assez « grave » que pour justifier le recours à la procédure d’extrême urgence.

 

Autrement dit, le Conseil d’Etat a jeté le recours pour un motif de recevabilité, sans toutefois examiner les arguments de fond invoqués par les parties requérantes. Cela signifie que le Conseil d’Etat n’a pas délivré à l’arrêté ministériel un certificat de constitutionnalité.

 

 

IV.  Sur la légalité de l’arrêté Bruxellois portant obligation généralisée du port du masque

 

7.   Le 12 août 2020, a été publié au Moniteur belge l’arrêté du Ministre-Président de la Région de Bruxelles-Capitale du 6 août 2020, imposant le port du masque sur l’ensemble du territoire régional.

 

En vertu de cet arrêté le port du masque est obligatoire partout et tout le temps à Bruxelles, sauf quelques rares exceptions, et ce pour une durée indéterminée.

 

Cet arrêté paraît tout aussi illégal que celui adopté au niveau fédéral par le Ministre de l’Intérieur. En effet, il ne repose sur aucune disposition législative préalablement adoptée par le Parlement bruxellois. Par ailleurs, la Section de législation du Conseil d’Etat n’a, à nouveau, pas été consultée au préalable, et aucune justification au non-respect de cette formalité essentielle ne figure dans le préambule de l’arrêté.

 

 

V.   Conséquences

 

8.   L’obligation du port du masque ou d’autres mesures contenues dans l’arrêté fédéral du 30 juin 2020 ou dans l’arrêté bruxellois du 6 août 2020 peuvent être contestées autrement qu’au moyen d’un recours devant le Conseil d’Etat.

 

L’article 159 de la Constitution prévoit en effet que « Les cours et tribunaux n'appliqueront les arrêtés et règlements généraux, provinciaux et locaux, qu'autant qu'ils seront conformes aux lois ».

 

Cette disposition garantit, elle aussi, le principe de la séparation des pouvoirs. Elle oblige le juge saisi d’un litige à ne pas faire application d’un arrêté contraire à la loi ou à la Constitution.

 

Il est donc parfaitement envisageable de contester devant le Tribunal de police une amende infligée, par exemple, pour non-respect du port du masque, en se fondant sur l’article 159 de la Constitution et sur l’illégalité des arrêtés pris en l’absence d’habilitation parlementaire. Cette contestation serait d’autant plus légitime que l’amende ainsi infligée peut être assimilée à une peine, et que l’article 14 de la Constitution prévoit que nulle peine ne peut être ni établie, ni appliquée qu’en vertu de la loi.

 

Plus fondamentalement, l’analyse juridique qui précède est étrangère au débat scientifique relatif à l’utilité du port du masque et au débat relatif à l’éventuelle obligation morale de porter celui-ci.

 



[1]              En effet, les dispositions précitées ont été adoptées antérieurement à 1970, date de création des Régions et des Communautés, dont les assemblées parlementaires peuvent adopter des décrets et ordonnances ayant force de loi dans les matières relevant de leurs compétences. L’intention du pouvoir Constituant n’était donc pas ici de consacrer une compétence exclusive du législateur fédéral au détriment des législateurs communautaires et régionaux, mais simplement de protéger le pouvoir législatif contre des empiètements émanant du pouvoir exécutif.

Il en résulte que le terme « loi » dans les dispositions constitutionnelles précitées doit être compris au sens large et peut viser indifféremment les lois adoptées par le Parlement fédéral et les décrets et ordonnances adoptées par les Parlements des Régions et des Communautés.

[2]              Pas., 1974, I, p. 910.

[3]              Voy. not. M. UYTTENDAELE, Trente leçons de droit constitutionnel, Bruxelles, Bruylant, 2017, pp. 530 et suiv.

[4]              CE, n°210.493 du 18 janvier 2011, Vanhooren.

[5]              CE, n°209.685 du 13 décembre 2010, Kok.